Centro Bartolomé de Las Casas La rencontre de la semaine La photo de la semaine
Dans l'ordre, voici les légendes de nos photos :
1/ La Paz, entre 3600 et 4100 m d'altitude.
2/ Tiwanaku, site pré-inca.
3/ Cusco, bijou andin.
4/ Le mythique Titikaka.
5/ El niño est passé par là.
6/ Le labo du centre.
7/ Femme péruvienne.
En quittant le désert de l'Atacama, nous partons découvrir une autre face de l'Amérique du Sud : les Andes, et les haut-plateaux, "l'altiplano". Il faut dire que le Chili est un pays à part, et que l'Argentine et le Brésil sont certainement plus développés. En arrivant en Bolivie, la surprise est totale.
D'abord passer des cols à plus de 5000 mètres d'altitude ou traverser des plateaux à plus de 4000 mètres n'est pas chose commune. D'autre part, les habitants, dont la taille moyenne avoisinne les 1m50 (pour Nico, ce sont les voyages de Gulliver!) ont tout de descendants d'Inca, très typés. Enfin les campagnes sont beaucoup plus arrièrées.
Sur la route qui nous mène à La Paz, nous traversons l'altiplano, des immenses plaines semi arrides, à plus de 4000 m d'altitude. Nous croisons beaucoup d'enfants vêtus très simplement (voir "Tintin et le temple du soleil") surveillant un troupeau de moutons, des maisons de terre isolées au milieu d'immenses plaines. Nous sentons que ces gens utilisent encore des techniques rudimentaires : un âne tire une charrue de bois pour labourer un morceau de terre, une vieille coupe à la serpe un fagot d'herbes... Les vêtements changent également beaucoup. Les femmes ressemblent à de petites poupées de la comtesse de Ségur (revisitées façon andine). Les robes sont bouffantes et arrivent juste en dessous des genoux, un petit chapeau rond (type professeur Tournesol), toujours 3 tailles au dessous, orne leur tête, et un châle coloré recouvre leurs épaules. La laine de lama est également présente partout, à cette altitude, ce n'est pas un luxe.
Nous traversons des paysages superbes; dans le plateau creusé par l'érosion apparaîssent soudainement d'immenses vallées, où surgissent des reliefs insolites : grandiose.
Après avoir roulé sur un plateau désertique pendant des kilomètres, nous nous engouffrons soudainement dans une immense cuvette. Inouïe! A l'intérieur, nous apercevons des maisons de terre et de briques sur des kilomètres ainsi que quelques immeubles, et en toile de fond, les sommets enneigés. C'est La Paz. La ville est enfermée dans cet immense cirque montagneux parce qu'il y a de l'eau (et non sur les immenses plateaux traversés, plus habitables, mais secs et arrides). On construit partout, chaque parcelle de terrain est utilisée, même les pentes les plus abruptes. D'où une impression d'anarchie lorsque vous pénétrez le coeur de la ville, et comme toujours, une vie grouillante. Quelques bâtiments coloniaux (dont un magnifique hôtel particulier), des églises construites par les Jésuites, nous rappellent l'ancienne présence espagnole dans ce lieu perché à plus de 3600 mètres d'altitude.
Nous retrouvons aussi de très nombreux petits vendeurs de toutes sortes sillonnant les rues. Nous n'en avions pas vu depuis l'Afrique; est-ce là un indicateur de développement...? Nous renouons également avec les odeurs fortes et les remugles d'excréments. Nous sommes saisis par la misère sans fard, et la saleté. Après le Chili, le contraste est frappant. En un sens, il nous semble retrouver un visage de l'Afrique.
Nous parcourons la ville à travers les ruelles étroites et les escaliers abrupts des quartiers périphériques pour atteindre un point de vue panoramique. A cette altitude, on s'essouffle si vite que c'est un réel effort. Décidemment, cette ville nous étonne, nous sidère, tant elle est unique, inclassable.
Que d'agences de voyage proposent de vous emmener vers des endroits merveilleux et historiques de la Bolivie! Il est vrai que tout ceci à l'air très attrayant. Par l'intermédiaire de l'une d'elles, nous choisissons finalement d'aller voir les ruines de Tiwanaku, site pré-Inca. Bien mal nous en a pris. Nous découvrirons certes que ces gens-là avaient des connaissances astronomiques, mathématiques et que leurs croyances étaient encore naïves. Mais nous aurons surtout découvert ce qu'était un attrape touriste. Une guide qui vous explique superbement que vous avez devant le nez une pierre ou un vase, qui vous fait visiter la moitié du site et, palme d'or, qui vous montre un tas de terre en vous disant que là se trouve le plus beau temple. Merci pour ces riches commentaires! Enfin le soir venu, si Loïc reste placide, Nico rentre dans une fureur noire et obtient une réduction sur notre billet pour le lac Titikaka. Après quelques jours en Bolivie, nous nous dirigeons vers le Pérou, où bien des surprises nous attendent.
La première, c'est un voyage d'une nuit dans un bus 10ème classe, entre Puno et Cusco. Le froid, la route défoncée, les odeurs et la place restreinte : tout ce qu'il faut pour bien dormir et arriver en pleine forme à 5 heures du matin à Cusco, avec une humeur de chien. Un Norvégien qui nous accompagnait a compris ce qu'étaient des Français de mauvaise humeur : ça hurle pour un rien, rale a tout va, mais c'est quand même attachant (nous vous rassurons, nous voyageons toujours ensemble : comme Astérix et Obélix, on s'engueule, mais çà ne dure pas).
Attachant, voir même unique, c'est le terme qui convient pour Cusco. Un pur chef d'oeuvre de l'art colonial, envahi par les touristes, mais remarquablement bien conservé. Nous avons la chance d'assister au lever du soleil, d'où un jeu de lumières et d'ombres se reflétant sur les sculptures ornant les nombreuses églises. Elles constituent d'ailleurs le patrimoine essentiel de Cusco. La cathédrale, l'église Santo Domingo...Toujours ces deux clochers séparés, ces formes arrondies aux multiples décorations, et l'intérieur d'un baroque plus ou moins flamboyant.
Enfin, en se promenant dans les rues, on se croirait dans un vieux village espagnol. Des arcades, des balcons de bois sculptés, des grandes bâtisses blanches et carrés (type basque) et des rues pavées. Le marché local nous rappelle immédiatement l'Afrique. Voilà qui est paradoxal : nous tombons dans l'un des plus beaux sites d'Amérique du Sud, près du Machu-Pichu, et c'est là que nous ressentons la grande pauvreté des Péruviens; bien loin des statistiques données en pâture au FMI par le bon élève Lima. Ce n'est même plus de la pauvreté comme au Chili, ou en France, mais une réelle misère : combien de vieux avons-nous croisé, pliés en deux sous le poids d'énormes fardeaux, le visage marqué par la souffrance et le dur labeur? Combien d'enfants travaillant pour gagner une bouchée de pain? S'il n'y avait pas le tourisme à Cusco, que serait la ville? Nous avons d'ailleurs rencontré une association qui a confirmé nos impressions (à retrouver dans nos rubriques).
Finalement, nous ne resterons que deux jours, alors qu'il faudrait une semaine pour s'imprégner de la ville! Mais désormais, nous avons tellement l'habitude de bouger, qu'après avoir passé une journée dans une ville, il nous semble y être restés dix jours. Dommage, même si nous avons fait de nombreuses rencontres : une américaine, un canadien, un allemand, des français, des canadiennes, un australien, une péruvienne, un irlandais, des néo-zélandais, une japonaise... Vive le cosmopolitisme! (il faut dire que de Juillet à Août, il y a plus de touristes que d'habitants...). Enfin, un passage éclair en Bolivie et au Pérou, mais beaucoup de choses vues et nous vous l'assurons, une formidable envie de revenir.
Nous prenons un taxi et filons vers la frontière. Le poste Péruvien ferme à 18 heures... Nous arrivons à 18h10. Nous donnons l'équivalent de 10 Francs français au douannier, et celui-ci, dans son extrème clémence, accepte de nous faire le petit tampon salvateur. Sauf que le bureau d'en face, sans doute formé par l'administration française, refuse de nous faire le deuxième tampon (rassurez-vous, on a récupéré le modeste backchish). Voilà comment vous restez bloqués dans une ville frontière pour une nuit.
Ces longs trajets nous aurons au moins permis de constater les énormes dégats occasionnés par "El nino". Pas un pont debout et des innondations partout, si bien que de nombreuses maisons sont construites sur pilotis. Une fois à Quito, nous prenons un taxi, qui crève un pneu pendant le cour trajet... Ca fait beaucoup en deux jours!
Bon, on peut tout de même vous avouer que pendant le long trajet de bus, un Bingo est organisé, avec comme prix un billet retour Tumbes-Lima... Magicnico gagne et revend la place pour 20 dollars. On ne s'en tire pas si mal!
De même à Cusco, un peu de forcing et nous trouvons les deux derniers billets en promotion pour Lima, alors que les guides disaient qu'à cette époque, nous n'aurions plus que nos yeux pour pleurer... Chance, quand tu nous tiens (pour combien de temps?).
Nous ne visiterons que deux programmes de cette immense association (120 personnes), qui s'étend de la promotion de la culture Andine (à travers un collège ouvert à tous), à la santé. Voici les activités du pôle santé.
C'est un jeune et dynamique ingénieur agronome français, Fabien Bec, qui nous présente le tout. Au départ, un constat : dans la cordillère des Andes, il existe une biodiversité que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Soit beaucoup de plantes, dont certaines intéressantes pour la médecine. Pourquoi ne pas utiliser ce potentiel et en tirer des produits finis pour les vendre sur les marchés?
Financé par les Espagnols et les Français, un laboratoire se crée à Cusco et met au point quelques produits très élaborés (des pommades essentiellement). La matière première est achetée aux paysans des environs, heureux de voir se développer une nouvelle activité qui leur est de plus très facile d'accès. Les produits, soumis à des contrôles qualités très serrés, présentent des prix et des propriétés qui les rendent attractifs sur les marchés européen et américain (mais pas sur les marchés locaux : prix trop élevés et habitudes difficiles à changer).
L'espoir, pour l'association, c'est de développer une activité rentable. Pour les paysans, c'est de vendre leurs produits directement à cette mini-PME, et peu à peu ajouter une valeur ajoutée sans passer par des intermédiaires qui absorberaient toute leur marge.
Des cours sont également donnés aux communautés andines, pour qu'un jour, peut-être, les paysans prennent eux-mêmes en charge l'amont et l'aval de l'activité, et qu'ils profitent des richesses de leur région.
Nous avons été surpris par la simplicité et l'originalité de l'entreprise. Par la quantité de travail effectuée par les employés et le responsable. Mais plus que tout, ce qui nous a séduit, c'est de voir qu'ils concilient les impératifs économiques et la rentabilité avec le meilleur intérêt pour l'avenir des paysans andins et la formation des populations. Bravo pour ce modèle!