Cartes
Colonie Espagnole et influence Américaine. |
L'éducation :
un atout |
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Les rizières de Bagio. |
Ne voulant pas être seulement spectateur, nous allons à la rencontre de quelques paysans. Pour outrepasser la barrière de la langue (ceux que nous rencontrons parlent à peine l'anglais), nous utilisons quelques gestes, dans l'espoir d'un échange réciproque…Nico excelle dans le domaine, mais il faut tout de même un bon quart d'heure, pour mimer le mot riz. Et Christian, après une heure de promenade, réapparaît entouré de quelques enfants…Nous sommes en tout cas touchés par les sourires de ces gens et leur accueil. Car dans beaucoup d'autres pays, les regards se seraient détournés. De même, allant voir une arène de combat de coqs, les responsables organisent un petit combat rien que pour nous. Ils nous expliquent le côté plutôt lucratif de leur métier, certaines personnes allant jusqu'à parier 50 000 pesos (7100 ffr) ou leur maison…Quand on sait qu'en une journée, il peut y avoir une trentaine de combats, la recette est juteuse.
Après un périple trop court, mais riche en découvertes et en rencontres, nous revenons vers la capitale. Manille n'a pas changé. Une visite dans les bidonvilles nous remémore la phrase d'un responsable d'une ONG : " Tous ces gens qui quittent les espaces ruraux pour venir s'entasser ici, dans l'espoir d'une vie meilleure "…" certains ont même été replacé dans les campagnes par le gouvernement, mais ont revendu leur maison pour revenir ici… ". Dans ces lieux de misère, il y a la radio, l'électricité, et des petits métiers pour survivre. Cela suffit pour encourager un exode rural massif. Le bidonville dans lequel nous sommes est bien particulier. Il est construit sur des pilotis, et surplombe une partie de la mer. Nous allons jusqu'au bout de ce petit village flottant et apercevons la mer, à l'infini. Un drôle de sentiment que de voir un magnifique coucher de soleil, rose et bleu, de ce lugubre et sinistre bidonville. Comme ces immondices qui viennent s'entasser sur la mer. On est loin de l'île paradisiaque ! Un rat vient nous tirer de nos songes, tandis que les rires et les jeux des enfants, à partir de boîtes de conserve ou autres objets, nous rappelle la joie qui habite ces lieux, malgré tout. Les enfants qui partent aussi jouer dans la rue lorsqu'un violent orage inonde tout et que quelques dizaines de centimètres d'eau recouvrent le goudron.
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Le lac du "petit" volcan deTagay Taï, lui même entouré d'un deuxième lac formé dans le cratère d'un gigantesque volcan. |
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A l'entrée de l'une des 14 maisons. |
Pour la plupart des Philippins, Manille représente un véritable Eldorado. Nombreux sont ceux qui quittent leur province pour rejoindre la capitale, promesse de richesse et de vie facile. Mais pour la plupart d'entre eux ; le rêve vire très vite au cauchemar. Ce qui les attend, ce sont les bidonvilles, la misère, le chômage. Les enfants et les adolescents sont les premiers touchés. Privés de structures familiales, parfois abandonnés ou vendus par leurs parents, ils trouvent souvent refuge dans la rue où les attendent la drogue, le vol et la prostitution.
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Dominique Lemay, avec quelques membres de l'équipe. |
Selon la loi, les enfants n'ont pas le droit de traîner dans la rue après 23 heures. La Police s'appuie sur cette loi pour légitimer ses rafles après lesquelles les enfants sont mis en prison dès 9 ans. Nous visitons cette maison où les enfants s'accumulent dans des pièces en attendant leur jugement.
Dominique nous explique qu'il vient régulièrement ici pour tenter de sortir quelques enfants en leur proposant de venir dans l'une de ses maisons d'accueil (les enfants peuvent aussi être " recrutés " par les éducateurs de rues). Il fait preuve de beaucoup de diplomatie devant la responsable du centre qui visiblement se souci plus de son salaire et de son confort que de ses pensionnaires. Il se fait aider par des avocats, parfois bénévoles, qui tentent de débloquer les dossiers des enfants. Ils ont également imposé au système juridique un système de code couleur permettant de différencier les enfants des adultes dans une pile de dossier qui attend d'être traitée.
L'air triste et abattu, Dominique nous déclare : " La vice-ministre vient d'annoncer à la presse qu'elle ferait en sorte qu'il n'y ait plus un enfant à traîner dans les rues de Manille ". Puis, relevant la tête avec un sourire en coin, il nous dit :" J'aimerai bien savoir comment elle va faire, où va-t-elle les mettre ? ". Dans la prison, l'une des volontaires de Virlanie échange quelques mots de tagalog à travers les barreaux : " comment t'appelles-tu ? ", elle leur serre la main, ils rient lorsqu'elle entame une chanson des Spice Girls… Par contre d'autres restent prostrés dans un coin de la pièce, sans avoir l'air de comprendre ce qui leur arrive…
Pendant la visite, Louis s'accroche à Dominique en le ceinturant de ses bras. Sans oser le lui demander il voulait aller à Virlanie. Des grosses larmes chaudes se sont mises à couler sur ses joues quand Dominique lui a expliqué qu'il n'y avait plus de place et qu'il devrait attendre. C'est la première fois que nous voyons un enfant pleurer.
Dans cette ambiance, nous sommes surtout marqués par l'amour qui existe entre ces volontaires et les enfants.
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Le diner à la maison Marco Polo. |
Les enfants accueillis sont scolarisés, certains retournent à la rue parce que les règles sont trop rigoureuses pour eux. D'autres vont se perdre, d'autres reviendront. La Fondation propose également des formations de boulangerie ou de coiffure. Certains poursuivent leurs études et parviennent même à aller en faculté, comme Mickael qui y est professeur...
C'est un projet vraiment canon que nous avons eu la chance de découvrir à deux heures de Manille, dans la région de Balayan. A l'origine, Jean-Michel, un jeune français venu vivre un an à Manille dans le cadre de la fondation Virlanie. Avec Boboy, éducateur philippin, ils parcourent les rues à la rencontre des enfants, leur parlant des maisons d'accueil de Virlanie, organisant des activité avec eux... C'est au cours de cette année, et au fil des rencontres, qu'ils prennent conscience que certains enfants, plus agés, ne sont plus attirés par les programmes de la fondation. A partir de 15, 16 ans, ces adolescents retournent dans la rue et Virlanie, tournée vers les plus jeunes ne correspond pas à leurs attentes.
Face à ce constat, ils décident de monter un projet pour et AVEC ces enfants. La confiance s'établit peu à peu, et ila parviennent à définir un projet concret :
1/ Ces adolescents cherchent une formation durable et qui leur permettra de vivre.
2/ Ils veulent quitter Manille et son enfer dont il est presque impossible de se sortir.
3/ Souvent issus de la campagne, ils ont des notions d'agriculture.
De ces échanges nait le projet de la ferme de Balayan. L'objectif est de construire une ferme à l'extérieur de Manille, d'y donner une formation agricole qui débouchera sur un métier, et revendre les produits de la ferme pour s'autofinancer.
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Jean-Michel avec son "staff", et quelques enfants. |
Nous avons été admiratifs devant la simplicité et la solidité du projet, entièrement construit et tourné vers les enfants. Ce sont eux qui ont mis au point les règles de vie de la maison : par exemple un vol correspond à un mois d'interdiction de sortie, et le remboursement du double de la somme. Ils recoivent chaque mois 500 pesos d'argent de poche comme "rétribution" de leur travail à la ferme, et pour leur apprendre à gérer de l'argent. Les premiers quitteront en effet la ferme dans deux ans, avec un travail à la clef, et le but est de leur donner la formation professionnelle et surtout humaine qui leur permettra de vivre normalement. Le projet pédagogique est extrèmement équilibré, répartit entre activités agricoles, formation scolaire particulièrement concrète, apprentissage de la vie en société, formation humaine...
Comme dit Jean-Michel, tout n'a pas été rose. Ces enfants sans famille, sans toît, qui ont volés, ont été prostitués, battus, drogués, ... ont tout à apprendre pour vivre en communauté. Mais les résultats sont spectaculaires. Jamais nous n'imaginerions que Andy, 11 ans, volait des objets en argent dans les églises il y a encore 2 mois. Deux d'entre eux ont déjà demandés à ouvrir un compte en banque. On a du mal à imaginer ce que cela peut représenter d'évolution lorsqu'on sait qu'un enfant de la rue n'a rien à lui, ne sait pas ce qu'est prévoir, garder, gérer. Nous avons sentis dans cette maison une ambiance extraordinaire, un climat de respect et d'amour mutuel; un désir incroyable de chaque adolescent de progresser car ils savent que c'est leur dernière chance. Nous avons été touchés par leur accueil, par leurs sourires, par leur besoin d'affection...
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Les enfants préparent l'arrivée à la ferme. |
Et c'est un énorme ! Voilà près de quinze jours que Nico se demande ce qu'ont les Philippins à rire sans arrêt. Imaginez : vous rentrez dans un lieu anodin et en vous apercevant, un petit groupe se concerte aussitôt, et rie timidement, mais suffisamment pour que vous le voyez. Dans la rue, les gens se retournent sur votre passage en se marrant. Au bout d'un moment ça devient vexant. Une évidence, les Philippins sont très petits et Nico est très grand. Et cela les fait beaucoup rire. Ah, ah, ah ! ! ! Bref, pour vérifier cette théorie, la plus plausible selon Loïc et Christian, je pars demander à deux philippines ce qui les fait rire quand elles me regardent. Pas de réponse. Peut-être valait-il mieux pour elles...
A toutes ces personnes rencontrées aux Philippines, travaillant dans des ONG. Nous sommes frappés de voir certains d'entre eux tout abandonner pour venir aider leur prochain. Comme Franck-Marie, sorti d'une grande école de commerce, qui vient après quatre ans passés en Haïti, diriger une banque de micro-crédit. La plupart n'hésitent pas à abandonner des carrières prometteuses, dans des grandes multinationales, pour apporter leur savoir à des oeuvres entièrement sociales. C'est le cas de Jean-Luc, qui nous avoue "être plus touché par une famille sortant de la misère que par la signature d'un gros contrat". Jean-Michel, ancien informaticien chez Decathlon et rencontré il y a peu, a aussi tout quitté pour venir secourir les enfants de rues, et leur redonner espoir. Pour eux, comme le disait Dominique Lemay, "il y a des lieux qu'il faut savoir quitter pour mieux se retrouver...". On ne saurait s'étendre trop longtemps sur leur parcours, car célébrer la modestie des gens, c'est les trahir. Et puis nous n'oublions pas la phrase d'un prêtre rencontré en Colombie : "Chacun à sa place, à la tête d'une grande entreprise ou d'une ONG, à la maison ou au milieu des bidonvilles peut contribuer à bâtir un monde meilleur, à relancer l'espérance sur le devant de la scène". En tout cas, la grande espérance, ici, plus que l'apport matériel, c'est de voir que des hommes pensent encore à d'autres. Et que ces petites gouttes d'eau, ajoutées les unes aux autres, finiront bien par devenir un océan.