Journal du 10 Mai
Niger II



Sommaire

    AMIN     Orion     Hommage à Cindy

    Adieu l'Afrique     La tuile de la semaine     Le coup de coeur de la semaine




Dans l'ordre, voici les légendes de nos photos :

1/ Une des vocation d'AMIN est d'aider les enfants des rues.
2/ Le chameau est la seule ressource des Touaregs.
3/ Dernier adieu à Cindy.
4/ Une famille d'éléphants.

Nous vous prions de nous excuser pour la qualité médiocre et le faible nombre des photos, mais notre appareil a souffert de la poussière, et il faudra quelques temps avant de pouvoir y remédier.




AMIN


Action pour Mineurs Isolés du Niger.



L'association AMIN nous a marquée par son sérieux, son organisation et son impact. A l'initiative de nigériens et de pères blancs, cette association agit selon trois grands axes :
Les mineurs en "rupture" familiale, et en conflit avec la loi. Les enfants et les jeunes travailleurs. Les filles en difficulté.

Enfants de la rue

AMIN s'inquiète en effet à l'idée de ces enfants des villages qui viennent grossir le rang des enfants de la rue, en raison de l'inactivité et de la famine. AMIN les accueille, leur fournit un asile dans la ville, et s'ils le souhaitent, les aide à reprendre contact avec leur famille, leur village, ... Tout un travail d'écoute et de réinsertion au service de ces enfants de la rue qui luttent et qui volent pour survivre.
AMIN organise également des formations et des journées d'écoute pour les mineurs en prison, pour leur permettre de s'en sortir et d'avoir une assistance juridique et sociale.

Voici l'histoire d'Habibou :
Habibou, 15 ans, est élève à l'école franco-arabe de Niamey. Au cours d'une dispute avec son grand frère, il a mis le feu à la case, et son neveu d'un an et demi est mort. L'enfant a alors quitté le domicile pour la rue. La première rencontre parents-enfant-animateurs a soulevé tout le chagrin de la famille. Finalement ils ont compris qu'ils risqueraient de perdre deux de leur enfants. Ils ont alors accepté de refouler leur chagrin, ce qui a permis à l'enfant de reprendre sa scolarité et d'être admis au certificat d'études primaire. Actuellement, il est au collège en classe de 6ème.



Enfants et jeunes travailleurs

Le volet Enfants et Jeunes Travailleurs doit permettre de valoriser et d'organiser le travail de ceux qui excercent de petits métiers (cireurs, vendeurs, gardiens, ...). Ce sont des enfants de 5 à 18 ans, produits de l'exode saisonnier, et dont la grande majorité sont analphabètes et déscolarisés. Mais ils cherchent à s'en sortir par leur travail et leur acharnement.
Les objectifs recherchés sont les suivants :
- vulgariser les droits des enfants et jeunes travailleurs,
- améliorer la qualité de la formation afin qu'ils puissent évoluer vers d'autres activités plus rentables,
- influencer la législation en matière de droit du travail,
- constituer de petits groupements par activité.
Pour ce faire, ANIM entreprends l'alphabétisation, la formation professionnelle, et prépare leur retour au village en prévenant le phénomène à la source, c'est à dire en combattant la misère des familles par la création de systèmes de crédit-épargne.


Filles en difficulté

Au Niger, la vie quotidienne des femmes est très marquée par la misère et l'analphabétisme (92% des femmes). Cela pousse les filles, très souvent mineures, à vouloir y échapper, même si pour cela elles doivent se prostituer ou se mettre sous la coupe de proxénètes sans scrupules.
AMIN rencontre ces filles, particulièrement les mères célibataires et les prostituées, en essayant de répondre aux problèmes de ces jeunes filles de 9 à 22 ans. AMIN leur propose :
rescolarisation, formation professionnelle, alaphabétisation, aide judiciaire et administrative, reinsertion familiale, réunions de sensibilisation sur l'hygiène et d'animation et de loisirs.

Témoignage :
"Moi, j'ai 20 ans, et 3 enfants. J'ai arrêté de me prostituer parce que je crois en AMIN, même si pour cela, mes amies se moquent de moi, et me tentent pour que je revienne dans la rue. Je sais que je serais aidée pour trouver une activité qui va résoudre mes problèmes financiers. Sans l'aide d'AMIN, ma dernière fille serait déjà morte.


Les succès d'AMIN sont dus à :
- une approche parfaitement adaptée aux problèmes rencontrés, fruit d'une réflexion en profondeur.
- une implication financière systématique de chacun, si infime soit-elle, qui motive donc puissamment les bénéficiaires de ces aides.
- une pérennité assurée par la formation de quelques uns, au travail de l'animation et des activités d'AMIN.
Nous remerçions particulièrement MaÏga Abdoulaye Balkissa, la responsable du volet "jeunes filles", qui durant deux jours a pris le temps de nous montrer et de nous expliquer son travail, pour lequel on sent un véritable amour, une vrai passion.




Orion


Pour les Touaregs, ORION se dit AMANAR, ce qui signifie "le guide".



Le chameau est l'une des rares productions possibles...

Orion est une association d'origine française, dont l'objectif principal est la fabrication du fromage de lait de chamelle. La fabrication du fromage s'intègre dans une action globale de gestion du troupeau camelin avec un début de suivi sanitaire et une meilleure commercialisation des animaux. Les autres objectifs d'Orion sont la santé, la scolarisation et l'amélioration des ressources des familles.

Le lait de chamelle ne caille pas avec les procédés habituels. C'est le seul lait de mammifère qui ne caille pas. Sans caillage, on ne peut pas fabriquer de fromage. Le lait de chamelle ne peut donc être consommé qu'à l'état frais. Or, les troupeaux sont suivis par un nombre réduit de personnes qui ne peuvent utiliser tout le lait disponible. Certaines chamelles ne sont pas traites, et le lait en excès est parfois jeté. Ainsi, dans des zones très pauvres où le chameau est l'une des rares productions possibles, existe une richesse sous-exploitée par l'homme.

Le lait de chamelle est enfin dompté!

En 1988, un chercheur français a mis au point un additif, le Camifloc, qui permet le caillage du lait de chamelle. Et en mars 1995, Guy Duhard part au Niger en bénévole, avec quelques kilos de Camifloc. Les Touaregs, d'abord incrédules ont parlé de magie, de"médecine" de blanc et ont rapidement admis que ce qu'Allah n'avait jamais permis était possible. Le lait de chamelle était enfin dompté et la nouvelle s'est rapidement répandue.

Le fromage, après séchage au soleil se conserve des mois et probablement plus d'un an. Ce fromage dose environ 47% de protéines : c'est donc un véritable concentré de protéines de haute qualité. Il permet de corriger les déficits du mil en protéines. Quel est l'intérêt de ce fromage? Le lait est abondant en période "humide" (de juillet à septembre). Il est donc possible de le fabriquer à cette période et de le stocker pour la période sèche où le lait est rare. Le fromage pourra être vendu quand la famille ne manque pas de lait. Car c'est un produit rentable. Le coût du Camifloc représente environ le tiers de la valeur de vente du fromage. La principale difficulté est de faire connaître et vulgariser la méthode auprès du plus grand nombre.

En 1997, un projet a été lancé en partenariat avec Anmudhal, ONG nigérienne, pour créer une coopérative chargée de l'achat et de la diffusion du Camifloc, mais aussi de la commercialisation du fromage; de la diffusion de médicaments pour traiter les chameaux et de la commercialisation des animaux.




Hommage à Cindy




Nous désirons ici rendre un vibrant hommage à celle qui nous a meneé à bon port. C'est sans se plaindre une seule fois que Cindy a parcouru la distance Paris-Niamey, malgré les difficultés rencontrées et le machisme prononcé des deux conducteurs.Voici le bilan technique de celle qui vous a fait vibrer, vous a rendu fièvreux des heures durant.









Prix d'achat : 3000 Frs
Nbre de kms au départ : 142 280
Nbre de kms parcourus : 10 250
Essence consommée : 1100 litres
Roue avant droite : voilée
Nbre de pneus crevés : 5
Phare avant gauche : cassé (mais l'ampoule fonctionne toujours!)
Aile gauche : froissée
Aile droite : enfoncée
Portière gauche : cabossée, ne s'ouvre qu'une fois sur dix
Portière droite : défoncée, ne s'ouvre plus qu'avec un grand coup de rein
Vitre droite : ne s'ouvre plus du tout
Rétroviseur droit : en mille miettes!
Pare-brise : fendu sur toute son étendue (heureusement un peu moins coté chauffeur!)
Pare-choc arrière : défoncé
Capot : enfoncé
Suspension avant gauche : cassée et grinçante
Suspension arrière-droite : hors d'usage, bruits suspects
Embrayage : état de délabrement plus qu'avancé
Moteur : état impeccable, rien à signaler durant 10 000 kms!
Prix de vente : 2000 Frs

Voilà le CV de notre meilleure amie durant le voyage Africain. Merci à Peugeot pour ses moteurs si solides! Et rassurez-vous, nous avons sélectionné l'acheteur non pas en fonction du prix offert, mais en fonction de celui qui saurait prendre soin de notre Cindy, sentiments obligent.




Adieu l'Afrique




Deux mois, c'est bien court pour découvrir tous ces pays... Ce que nous vous décrivons ici est le fruit de nombreux témoignages reçus, et complétés par nos impressions! Ces témoins résident en Afrique depuis des dizaines d'années. Ils sont journalistes, pères blancs, hommes politiques Africains, animateurs de radio libre, militaires, expatriés, scientifiques ou ingénieurs...Une large palette qui nous a permis de mieux cerner l'environnement et d'aborder les sujets sous différents angles.



La sécheresse préoccupante

Arrivés dans une période de pleine chaleur et de sécheresse, nous avons pu constater que la saison des pluies se fait de plus en plus courte, phénomène inquiétant. D'autant plus que ce qui, il y a quelques années, tombait en plusieurs jours, tombe désormais en quelques minutes. L'eau ne pénètre pas le sol mais glisse dessus. Ajoutez à cela une désertification galopante et les peuples du Nord migrent vers le Sud, à la recherche de points d'eau et de terres cultivables. La population, en forte croissance, se concentre autour de ces lieux stratégiques, non sans quelques conflits. Jusqu'au jour où ces maigres réserves ne suffiront plus à nourrir tout le monde. Seule la construction de nombreux barrages et une meilleure gestion des terres permettront peut-être d'endiguer ce phénomène, mais il faut des capitaux...

Un fatalisme paralysant

L'absence de gestion se confond avec la notion du temps. Le futur, la prévision, sont presque inexistants. On vit avec ce que Dieu nous accorde au temps présent. Nous avons d'ailleurs été frappé par ce fatalisme islamique, qui souvent anihile toute entreprise. Et généralement ce sont des femmes que viennent les petites initiatives. Celles qui permettent de faire fructifier un capital, de développer un commerce. Car dés son plus jeune âge, c'est à la jeune femme qu'il incombe de nourrir le foyer. Les hommes sont plus dépensiers et surtout plus individualistes. Nous n'avons vu à aucun moment l'intérêt général prendre le pas sur l'intérêt individuel... Ce qui se traduit par beaucoup de corruptions et des projets qui souvent s'effondrent après le départ de leurs initiateurs.

L'espoir : l'éducation des enfants

Quelques soient les associations ou les personnes rencontrées, toutes s'accordaient à dire que l'espoir vient de l'éducation des enfants. Lutter contre ces taux vertigineux d'analphabétisme (90 à 95%), pour que les habitants s'intéressent à leur pays, le fasse fructifier. Pour que leur pays ne soit plus sous la coupe d'une poignée de nantis profiteurs. Pour que leurs soucis dépassent la simple recherche du pain quotidien. Pour développer l'agriculture afin d'être autosuffisant, en changeant les mentalités et les habitudes, pour s'adapter et lutter contre un environnement de plus en plus hostile.
Parmi tous les pays traversés, c'est le Burkina-Faso qui nous a le plus marqué. Nous y avons trouvé des gens travailleurs, moins de corruption, et surtout quelques micro-entreprises qui naissaient par-ci, par-là. Au "pays de l'homme intègre", la situation semble plus évoluée que dans les autres pays.

Mais malgré leur misère et leur difficultés, nous avons été enthousiamés par l'accueil, la chaleur et la joie de vivre de ces peuples. Tous les malheurs de la terre ne sont pas une raison pour être triste. Pour vivre heureux, vivons joyeux. Une preuve de plus que l'abondance matérielle n'est pas une condition nécessaire pour vivre heureux.

La relativité du temps

Voici deux petites histoires entendues pour illustrer ce qui nous a le plus frappé durant ces semaines : la notion du temps en Afrique.

Un européen voulant voir pour affaire un Africain veut fixer avec lui un rendez-vous.
L'Européen : "Bon, quand est-ce qu'on peut se voir"
L'Africain : "Je passerai demain dans la journée"
L'Européen : "C'est-à-dire?"
L'Africain : "Demain, dans la matinée"
L'Européen : "Comment ça dans la matinée?"
L'Africain, un peu excédé : "Demain...aux alentours de midi"
L'Européen : "Ca veut dire quoi? Midi et demi, onze heure et demi?"
L'Africain, poussé à bout : "Ahh! vous, les Européens, avec votre montre, vous nous avez tué le temps..."

Dans le désert, Saint-Exupéry répare une fois de plus son appareil. Seul, il croise cependant un Touareg sur son chameau, puisqu'il est connu qu'on ne passe pas trois jours dans le désert sans rencontrer quelqu'un! Le Touareg s'étonne alors de voir cet énorme tas de fer, lui qui n'avait jamais vu d'avion. Saint-Ex lui explique que c'est comme un oiseau, cela lui permet de voler. Fixant alors la ligne d'horizon, il lui demande combien de temps il lui faudrait pour l'atteindre en chameau. Le Touareg : "Deux jours" Saint-Ex : "Tu vois, moi, avec mon avion, il ne me faut que deux heures" Le Touareg, interrogatif : "Ah bon! et qu'est-ce que tu vas faire de tout le temps restant?"




La tuile de la semaine




Nous vendons Cindy le jour de notre départ d'Afrique (sans, bien sûr, l'avoir clamé sur tous les toits...). Avec la somme récoltée, nous comptons payer nos billets déjà réservés pour l'Amérique du Sud. Il faut impérativement retirer nos billets avant 21h30 à l'aéroport...mais à 20h30, la voiture n'est toujours pas vendue : le prix qu'on nous propose est inférieur au prix de nos billets! Finalement, nous la cédons pour 2000 Frs et heuresement pour nous, monsieur Bro, directeur de l'hôtel Sofitel, vient à notre secours en nous prétant la somme manquante. Nous arrivons à l'aéroport à 21h30, juste pour retirer nos billets d'avion et attendre 23h59, heure du décollage. Chance extraordinaire, puisqu'une grève du personnel au sol commence à... Minuit. A une minute près, nous pouvons décoller. Mais c'est oublier le petit incident technique de l'appareil de la compagnie Air Algérie, qui implique une réparation d'une heure... juste ce qu'il faut pour être en plein dans la grève. Voilà comment on reste bloqué quelques jours de plus au Niger.




Le coup de coeur de la semaine



Notre tuile nous a réservé quelques surprises. Air Algérie, suite à la grève, nous replace sur un vol faisant étape à...Tamanrasset, au Sud de l'Algérie. Nous survolons le Hoggar, spectacle grandiose, avant de faire escale dans cette ville mythique. Mais sans visas ni argent, notre situation est bien compromise. Cependant les douaniers et les policiers, d'une infinie gentilesse, régularisent notre situation et nous invitent même à la buvette pour nous faire patienter! Jamais nous n'avions reçu pareil accueil en deux mois et demi. Le soir, après avoir été invités au restaurant, nous sommes conviés à une fête typique, celle qui précède un baptème. Dans une salle couverte de tapis, les hommes dansent, chantent des contes touaregs, jouent de la musique dans une joie innéfable. On nous apporte le thé, des plateaux garnis de fruits, on nous fait danser... Extraordinaire. Dans l'autre pièce, les femmes dansent aussi, manifestent leur joie par des cris stridents et ponctués. Dépaysement et ambiance garantis!




N'oubliez pas l' album photo...




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