Journal du 10 janvier


Liban



Sommaire

    Le contexte     Le journal de route     Offre-joie     Rencontre

    Coup de gueule     Dialogue inter-religieux     La tuile     La photo de la semaine




Cartes

                          Liban




Le contexte libanais

Héritiers de l'antique Phénicie, le pays fut conquis par les arabes (vers 637) et passa ensuite sous la domination des francs (1098-1289), des mamelouks d'Egypte (jusqu'en 1516) puis des Ottomans (XVIe). Après la victoire des alliés, le Grand Etat Liban fut placé sous mandat français en 1920, comme la Syrie. Signée en 1936, l'indépendance du Liban fut effective en 1943. En 1975, les Palestiniens expulsés de Jordanie s'installent au Sud du pays, impliquant d'emblée le Liban dans le conflit avec Israël. Suivent 15 années de guerre civile, de réactions et d'affrontements entre les diverses factions, avant que la Syrie ne vienne occuper le pays.
Economie :
La principale richesse est l'agriculture (notamment fruits) et la pêche. Le manque de matières premières freine l'industrialisation. Les grandes industries sont des cimentiers et des raffineurs de pétrole.

Population / géographie :
Dans un pays 50 fois plus petit que la France vivent 3,5 millions d'habitants. Cependant, la diaspora Libanaise dans le monde est évaluée à 13 millions. Le Liban est un pays très montagneux possédant une grande plaine fertile : la Bekaa. Les montagnes offrent au pays un réseau hydrographique très intéressant par rapport à ses voisins.
Politique :
République parlementaire où les principales confessions sont représentées. Mais le pays est toujours sous occupation syrienne.
Langues :
Arabe, français, anglais
Religion :
Le Liban est le seul pays où la constitution reconnaît de manière égale 18 communautés religieuses. 52% de musulmans (Sunnites et Chiites), 8% de Druzes, 42% de Chrétiens (principalement maronites).
Anecdote :
Le Liban est le pays à la plus forte concentration de téléphones portables.








Journal de route


" Le Liban, c'est plus qu'un pays, c'est un message… "



Notre passage au Liban est une chance inouïe...

Beyrouth, entre mer et montagne.
Notre séjour au Liban est d'une richesse et d'une intensité rarement atteinte jusque là, alors que notre parcours initial ne devait même pas nous y conduire !! C'est au Bangladesh que nous avons commencé à nous poser des questions : les visas pour l'Iran où nous devions passer sont particulièrement durs à obtenir. Et puis nous avions vraiment envie de passer Noël en terre chrétienne... Et, raison supplémentaire, depuis 4 mois nous étions en contact avec des jeunes libanais qui nous ont connu par la radio et le site Internet, et qui nous injuriaient presque de ne pas passer les voir. Alors en deux minutes nous avons pris notre décision : on change le Pakistan et l'Iran pour le Liban et la Turquie, et on passe Noël au Liban.

A l'aéroport, nous sommes accueillis chaleureusement par Léa, Eddy, Erzé, Maria et Nada qui nous ont tout de suite pris en charge. Les libanais prennent à cœur notre passage et multiplient les démarches pour dénicher les initiatives intéressantes. Si pour vous, c'était les vacances, pour nous c'est un rush incroyable, des RDV dans tous les sens, des rencontres passionnantes, des nuits très très courtes,... la pleine vie quoi !! Les libanais nous amusent car ils parlent arabe bien sûr, français évidemment et anglais. Du coup leurs phrases sont un mélange des trois langues, un mot anglais par ci, une expression française par là, et le reste en arabe. Mais au moins, comme ils parlent presque tous français, la communication est plus aisée que dans d'autres pays.



Beyrouth, une ville où a guerre a laissé des traces...

La guerre a laissé des stigmates, mais la ville est en pleine reconstruction.
Beyrouth nous dévoile ses contrastes rapidement. Certaines rues sont bordées d'immeubles en ruine que les bombardements massifs ont à moitié achevés. Leurs façades sont criblées d'impacts de balles, derniers vestiges des longues années de guerre. Dans la périphérie, certains quartiers trahissent une misère latente, signe que la guerre laisse encore des traces et que certains ont du mal à relever la tête. En revanche, parallèlement, la reconstruction rapide tente d'effacer ces mauvais souvenirs. Au centre ville, près de la place des martyrs et de la place de l'étoile, on se croirait dans une cité moderne, flambant neuve. Les boutiques, les magasins de luxe et les banques témoignent d'une grosse activité. Beyrouth essaye de redevenir le centre d'affaires prospère qu'il était avant la guerre et la porte ouverte sur le Moyen-Orient. Certains sont même venus y monter une entreprise, comme François, un français qui travaille dans le domaine de l'édition. Sa société est florissante, mais il ne cache pas que le pays est encore en crise et beaucoup de commerçants ont des difficultés, malgré les vitrines bien remplies. Nous rencontrons également l'un des responsables de Bouygues. Le groupe a été chargé de reconstruire le port de plaisance de la ville. En 30 mois, le géant de la construction établi une structure d'environ un milliard de francs de chiffre d'affaires, construit le port et plie bagages. Une rapidité phénoménale et une organisation exemplaire, adaptées au rythme de reconstruction de Beyrouth.



Beyrouth Est, Beyrouth Ouest

Plus que partout ailleurs dans le monde, le neuf et la ruine se côtoient. De la place des martyrs, Paul nous montre un reste d'immeuble coincé entre de superbes édifices. Il nous explique que c'est de là que les tireurs " arrosaient " les passants et habitants des alentours, dont ses parents faisaient partis…Dans Beyrouth, quelques endroits sont connus de tous et d'une triste célébrité. Il en est ainsi pour la ligne verte, c'est-à-dire la séparation entre Beyrouth Est (camp des chrétiens) et Beyrouth Ouest (camps des musulmans), ou encore la rue de Damas, la " rue de la mort ". Dans beaucoup de lieux, certains se souviennent d'avoir vu des atrocités, entendus des mères pleurer leurs fils et hurler leurs douleurs. Bref, chaque rue a son histoire propre, ce qui donne un ton particulier à la ville, surtout lorsque ce sont des jeunes de notre âge qui nous en parlent.



Pourquoi ?

Nous parlons évidemment beaucoup de la guerre avec Léa, Rita et les autres, car il s'agit d'une situation unique durant notre périple. Chacun d'entre eux tente de nous expliquer l'origine de cette guerre. Pour eux, si certains faits sont clairs, il ressort tout de même une incompréhension globale. Pourquoi nous sommes-nous tapés un jour les uns sur les autres alors qu'autrefois les différentes communautés cohabitaient pacifiquement ? Il demeure un sentiment d'absurde et des souvenirs un peu irréels. Nous sommes allés voir le film " Ouest Beyrouth " : un autre éclairage sur ce conflit. Et là aussi, l'auteur montre l'incompréhension des habitants, comme s'ils avaient été manipulés et embarqués malgré eux dans le conflit. Et si un plus fort sentiment de nation avait existé au début de la guerre, les Libanais auraient certainement réagi ensemble contre ce conflit. Car l'une des forces des Libanais, c'est leur sens commercial... Nul doute là-dessus, ils sont redoutables. Mais, cette excessive propension à faire du commerce (on aimerait parfois avoir du sang libanais..), a un revers, l'intérêt général passe souvent après l'intérêt individuel. En revanche, au sein des familles, les liens sont extrêmement forts. Les libanais résidants à l'étranger (Australie, Etats-Unis, France, Brésil, Angleterre, Emirats Arabe Unis, Afrique…) ont permis à ceux resté sur place durant le conflit de tenir le coup par une aide régulière. Ces expatriés, au nombre de 13 millions, restent très attachés à leur terre natale. Ils y ont tous des intérêts et y portent une fidélité sans faille, malgré leur fascinante capacité à se fondre dans les pays d'accueil. Si le sentiment national existe, il est donc difficile à cerner.



Une mosaïque confessionnelle

Il ne faut également pas oublier que le Liban est un petit pays sur lequel cohabitent 18 communautés de confessions différentes (Chrétiens maronites, catholiques grecs, grecs orthodoxes, musulmans chiites, druzes…). La guerre les a éloigné et déchiré entre elles. Il y a eu beaucoup de déplacés d'une région à l'autre si bien que chaque confession se retrouvait cloisonné dans un territoire donné. Aujourd'hui, le dialogue s'installe entre ces communautés grâce à l'initiative de certaines personnes (voir article ci-dessous), et surtout grâce aux cellulaires qui collent littéralement à l'oreille de tout libanais digne de l'être. Que vous soyez au cinéma ou sur les pistes de ski, les sonneries vont bon train!



Noël ! !

Bonne année 1999, entourés de nos amis libanais, Mirna, Lea, Arze, Maria, Eddy et Rita.
Le 24, nous passons la matinée avec toute l'équipe de l'aumônerie de l'université qui anime un Noël pour les enfants de l'un des quartiers pauvres de Beyrouth. Bien que personne ne se connaisse, l'enthousiasme et les dons d'animation de l'équipe d'étudiants, Fadi le fanfaron en tête, permet aux enfants de passer une matinée de fête à jouer et chanter. Puis nous passons la nuit de Noël dans la montagne, avec la communauté des Béatitudes. Trois heures de messe magnifique, toute en prière et beauté, dans une petite chapelle en pierres qu'ils ont construit. Durant le réveillon qui a suivi (malheureusement ni dinde, ni foie gras, ni Sauternes, ni huîtres, ... car ne l'oublions pas, nous sommes dans une communauté religieuse, et qui plus est au Liban, donc bouffe locale).
Dans un couvent occupé pour l'occasion, paumé dans la montagne, Rita nous invite a retrouver une quarantaine de jeunes des Equipes Notre Dame Jeunes pour un WE de réflexion. Ca faisait longtemps que nous n'avions pas eu l'occasion de faire une petite pause. Après une petite période où nous nous envoyions pas mal de bâches entre nous trois (toujours gentilles bien sur, vous nous connaissez...), ce petit souffle de paix était le bienvenu.
Et voici qu'arrive la fin de l'année. Nous nous retrouvons le 31 au soir chez nos amis des ENDJ, pour commencer la soirée par une messe d'action de grâce pour l'année qui vient de s'écouler. Puis, c'est la teuf, délire total jusqu'à 6 heures du mat, sur du rock et des musiques arabes (les contorsions sont excellentes pour assouplir les muscles et les tendons).



Le Nord du pays témoigne d'un pays au passé historique riche...

Après un long séjour à Beyrouth, nous partons vers le Nord du pays. Nous longeons la côte et passons la magnifique baie de Jounié. De la montagne la vue est splendide et Notre Dame du Liban veille sur le pays du haut de son rocher. Un peu plus loin, la ville de Byblos témoigne du riche passé de la région. C'est là que pour la première fois, l'homme conçoit un alphabet. Puis après un petit slalom sur la route, nous arrivons à Tripoli. Son nom vient de la confédération de trois citées phéniciennes qui y étaient établies au 4ème siècle avant J-C (Tyr, Sidon et Arados). Tripoli a longtemps été un port de commerce et un centre intellectuel attirant de nombreux penseurs. Nous y visitons la forteresse Saint-Gilles, construite par Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, en 1099. Il servait de base aux attaques des croisés. Perchée sur une colline, le château domine la ville et la mer… Les stratèges se trompent rarement de site !

La grande mosquée, elle, offre une leçon de mesure et d'harmonie. Nous sommes impressionnés car c'est la première fois que nous pénétrons dans une mosquée. Nous nous attardons ensuite dans le souk, orientés par Carine et Ibrahim, amis rencontrés à Beyrouth et guides le temps d'une journée. On y retrouve l'agitation habituelle et les petits métiers des marchés méditerranéen que l'on avait quitté depuis le Maroc. Nous sentons que la boucle est presque bouclée...



A la découverte de la vallée sainte et de la région des cèdres...

La forêt de cèdres dont certains sont trimillénaires!!
De Tripoli, la seconde ville du pays, nous nous dirigeons vers Bcharré et la fameuse région des cèdres. En quelques kilomètres, nous changeons d'univers. Peu à peu, les oliviers qui dominent la ville font place à un paysage de montagne. La route monte en lacets, laissant sur son passage des villages blottis autour de leur église. La vallée sainte, ou vallée de la Kadisha n'est plus très loin et prête à nous révéler ses secrets, tandis que tout en haut, sur le toit du Liban, les cèdres nous attendent. Mais notre première journée se veut sportive. La montagne, la neige, des pistes et nous, qui résistons à tout sauf à la tentation, nous allons skier avec notre amie Cendrine! Surf, glisse, bosses, chutes, ... le pur bonheur!! Rien de tel pour visiter la vallée de la Kadisha dans de bonnes conditions. Nous nous engouffrons dans la vallée à la rencontre des monastères se fondant dans les falaises, leurs décors naturels. Cachés au creux des anfractuosité, perchés au milieu des falaises, parfois mi grotte, mi construction, nous découvrons de fabuleux petits monastères, églises et ermitages. Ce sont là des lieux de silence et de recueillement unique, que seul le bruit d'un torrent vient troubler. Que ce soit le couvent de Mar Lichâ (Sainte Elisée) ou celui de Deir Qannoubin, on imagine la tranquillité des chrétiens maronites venant se cacher ici il y a près de 1600 ans. Pour un croyant, ces monastères sont particuliers, surtout lorsque l'on y voit exposé des objets de culte datant des 5ème et 6ème siècle après J-C. Un peu plus haut, nous découvrons la forêt des cèdres, l'emblème du Liban. Du moins ce qu'il en reste. Qu'importe, ces arbres qui ont le secret de l'éternité, "ces reliques des siècles et de la nature" selon Lamartine font partis de l'histoire du pays. Il est le symbole d'un pays martyr et d'une nécessaire union. N'est-il pas écrit dans l'un des textes de la proclamation du grand Liban : "Un cèdre toujours vert, c'est un peuple toujours jeune en dépit d'un passé cruel. Quoiqu'opprimé, jamais conquis, le cèdre est son signe de ralliement. Par l'union, il brisera toutes les attaques". Plus que jamais, cette phrase colle à l'histoire du Liban ! Le soir, nous décidons de planter la tente au fond d'un garage innocupé. Mais tandis que nous sommes pratiquement endormis, un soldat vient secouer Christian qui était encore dans la voiture, se demandant bien ce que nous faisons là. Il est responsable de l'immeuble, et finalement il nous propose de venir dormir en haut, là où il veille. Quelle extraordinaire hospitalité !!



Le message libanais...

Si la reconstruction peut-être prise comme une façade, le Liban a le regard tourné vers l'avenir et la foi de sa jeunesse est un signe tangible d'espérance. Ce séjour restera comme l'un des plus intenses et les relations tissées avec quelques Libanais ne sont pas près de s'éteindre. Jean-Paul II a bien résumé ce qui se passe actuellement dans ce petit Etat : " le Liban, plus qu'un pays, c'est un message ". Car c'est un pays unique dont la raison d'être et la richesse est la coexistence de plusieurs communautés. Pour tous les habitants de cette terre, faire vivre le Liban est un défi commun qui a rôle d'exemple pour l'humanité.

Suite du Liban à la prochaine édition…




Offre-joie


Activités islamo-chrétiennes

La guerre du Liban a isolé les communautés les unes des autres. Les jeunes n'ont généralement connu que cette période de conflit, où chrétiens et musulmans s'affrontaient. Bref, pour un jeune musulman, le chrétien était l'ennemi et vice-versa. Cette situation, en totale opposition avec un esprit de reconstruction, devait cesser. Car d'un avis unanime, l'avenir du Liban passe par une meilleure connaissance et un dialogue accru des communautés entre elles.



Offre-joie : une association tournée vers l'avenir …

Nous avons pris rendez-vous avec l'association offre-joie, créée en 1985, dont le but est précisément d'ouvrir les jeunes les uns aux les autres. A l'initiative de cette association, on trouve des libanais de différentes confessions. Qu'ils soient musulmans ou chrétiens, peu importe, ils sont tous libanais et ont le désir de cohabiter sur cette même terre. Ainsi, offre-joie réuni régulièrement des jeunes de toutes confessions et leur proposent des activités. Le principe est de mélanger les jeunes lors de ces sorties et que d'une manière générale les communautés sortent de leur isolement. Il existe un statut officiel de l'association, mais pas de budget, ni de bureau. Leur outil de travail est une liste d'adhérents, qu'ils convoquent pour les activités. Ce dimanche, nous avons rendez-vous dans Beyrouth pour un rassemblement de l'association. Une cinquantaine de jeunes écoutent les dirigeants expliquer l'activité du jour. Des petits groupes seront constitués et chacun ira distribuer des pulls dans les différentes prisons libanaises. Le but est avant tout de faire rencontrer les jeunes.



Différentes activités avec le même objectif : la rencontre entre les communautés…

Nous partons avec Paul, l'un des fondateurs de l'association. Il nous explique les autres activités proposées par offre-joie. Que ce soit des camps l'été ou des marches pour la paix (pendant la guerre), tout est bon pour ouvrir ces jeunes les uns aux autres. Un des autres fondateurs nous confie que leur message est avant tout un message d'espérance : “Nous croyons que les communautés peuvent cohabiter pacifiquement au Liban et nous travaillons dans ce but”. En allant distribuer des pulls aux prisonniers de la prison de Byblos, Sam, musulman, étudiant en informatique, nous explique ce que les activités avec offre-joie ont changé pour lui : “Vous savez, j'ai grandi dans la méfiance du Christianisme. Pour moi, c'était l'ennemi. Offre-joie a changé mon regard, je me suis aperçu que les chrétiens avaient eux aussi une foi et que nous n'étions pas si différents.” Au sein de la prison, les détenus voient l'arrivée de ces jeunes comme un rayon de soleil. Pour eux, l'important, plus que les pulls offerts, c'est le fait que l'on pense à eux. Une journée bien remplie pendant laquelle des jeunes s'ouvrent au dialogue et apportent un peu de chaleur à des prisonniers. Offre-joie porte finalement bien son nom.




La rencontre de la semaine


Nabil Daoud



Nabil, quand l'espérance se lit dans les yeux.

Le père Jean Marie rencontré durant le WE ENDJ, nous parle de l'espérance qui anime certaines personnes malgré un handicap terrible qui leur ôte tout espoir de guérison. Il s'est ainsi lié d'amitié avec Nabil Daoud, docteur en médecine, atteint soudainement d'une paralysie générale. Il nous parle de son ami avec tant d'admiration que nous lui demandons s'il peut nous le présenter...



Du jour au lendemain, privé de la parole et de ses gestes.

Nabil ne peut communiquer qu'avec ses paupières et son pouce, mais rayonne d'une présence extraordinaire.
Nous rencontrons Nabil chez lui. Son frère nous ouvre la porte de l'appartement familial. Nabil nous attend dans son fauteuil roulant et semble heureux de revoir son ami, le père Jean Marie. Nabil est atteint du "Loked-in syndrome" (le syndrome du renfermement). Du jour au lendemain, il s'est retrouvé tétraplégique et incapable de parler, ne pouvant bouger que son cou, ses paupières et le bout de son pouce. Nabil nous demande de lui expliquer notre projet, une discussion s'engage.



Communiquer avec les yeux...

Ne pouvant pas parler, Nabil a mis au point un autre moyen de communication qui nous impressionne par son efficacité et sa simplicité. Il a divisé l'alphabet en 4 lignes de 6 à 7 lettres. Démonstration : le père Jean-Marie lui demande: "première ligne?", Nabil répond "Non" en levant les sourcils. "Deuxième ligne?". "Non". "Troisième?". Nabil répond oui en clignant des yeux. "N?, O?, P?, Q?", Clignement des yeux : "Oui". La première lettre est donc "Q". Par déduction Jean Marie demande? "Que?, Qui?, Quel?..." Oui. En deux minutes, nous découvrons la question que Nabil veut nous poser : Quelles études avons nous fait? Nous parlerons également des raisons profondes de notre projet. Nabil nous explique l'une des nouveautés sur les photos numériques et nous montre comment il utilise l'ordinateur, son deuxième moyen de communication, avec lequel il a notamment traduit 4 livres de théologie.



Communiquer avec un PC à l'aide de son pouce...

Nabil ne peut manipuler l'ordinateur qu'avec un seul doigt : son pouce. Il peut ainsi cliquer sur une souris spéciale. Le curseur défile sur l'écran et sur les menus. Etape par étape, Nabil accède à chaque fonction de son ordinateur. Nous surfons sur Internet et nous lui présentons notre site. Il nous certifie qu'il nous répondra si nous lui envoyons un E-mail.



Nabil, qu'est ce qui te donne ce courage?

Nous sommes impressionnés par son regard si parlant et par son témoignage. Nabil, n'a pas l'espoir de retrouver ses facultés mais l'espérance le fait vivre. Quand il n'y a plus d'espoir, il y a l'espérance. C'est après quelques "douceurs" (pâtisseries Libanaises) apportées par sa sœur que nous devons nous quitter. Mais avant de partir, nous brûlons de poser à Nabil une dernière question : "Nabil, qu'est-ce qui te donne ce courage, cette bonne humeur (il rigole volontiers), cette détermination?" Nabil nous répond: "F, O, R, C, E, Force, D, I, V, I, N, E, Divine, Force Divine!"




Le coup de gueule de la semaine


La désinformation médiatique



Au Liban, fin décembre, un missile israélien détruit " par mégarde " une petite ferme occupée d'une femme et de ses cinq enfants. Succombant après d'atroces brûlures, il n'y a aucun survivant. Aucun écho sur cet événement dans les médias occidentaux. Une semaine plus tard les médias relatent une riposte israélienne sur une antenne du Hezbollah, suite à un tir d'obus en provenance du sud Liban. Il ont tout simplement oublié de rappeler que le tir d'obus était une riposte à ce massacre inutile.
Régulièrement des vols d'avions israélien viennent survoler Beyrouth à très basse altitude, provoquant des bris de glace. Pourquoi ?
Et ce n'est que quelques exemples parmi tant d'autres ! !

Nous avons été scandalisés par la désinformation flagrante et quasi systématique qui règne en occident, et qui diffuse une fausse image des pays arabes et contribue au climat d'instabilité au Proche-Orient.
Israël est trop souvent présenté comme la victime dans une situation nettement plus complexe, dans laquelle Israël comme ses voisins arabes, a sa part de responsabilité. Cette désinformation insidieuse développe une image très négative des pays arabes dans les opinions occidentales, et le raccourci arabe = islam = intégrisme = terrorisme devient malheureusement un lieu commun. D'autre part, cette désinformation contribue à proposer aux opinions arabes l'image d'un occident résolu à soutenir Israël au prix des pires injustices. C'est également l'une des raisons qui explique la poussée de groupes islamistes exaspérés et révoltés par cet état de fait, près à tout pour rétablir la justice, et qui obtiennent alors un suffrage important auprès d'une population réceptive.

Quand pourrons nous enfin compter sur une information objective, dépourvue d'interprétations partisanes et dégagée de la pression de nombreux lobby ?




Dialogue chrétien-musulman


Le Liban est un pays unique, composé de nombreuses confessions religieuses ; on en compte pas moins de 18 différentes! Et les années de guerre entre 1975 et 1990 qui ont vu, notamment au début, s'opposer chrétiens et musulmans ont contribué a l'émergence d'une situation difficile. Autrefois à Beyrouth, tout le monde vivait en paix, complètement mélangés géographiquement, sans aucune référence confessionnelle. Dés le début de la guerre, la ville s'est partagée en Beyrouth Est, chrétien, et Beyrouth Ouest, musulman, chacun devant rejoindre le camp appartenant à sa confession sous peine d'être exterminé.

Aujourd'hui, même si l'on sent un réel désir de vie et de cohabitation pacifique, il y a de grandes blessures entre chrétiens et musulmans, et le dialogue entre les communautés est un problème majeur et un enjeu crucial pour l'avenir du Liban. Sa richesse, c'est la multitude de communautés et de confessions qui coexistent sur une même terre. Le Liban ne peut vivre sans l'une de ces communautés. Il faut donc apprendre ou réapprendre à vivre ensemble, à se connaître, à faire tomber les peurs et les préjugés. Mais c'est un chantier colossal, une œuvre presque impossible, si Dieu et Allah ne s'y mettent pas à deux !!



Depuis 4 ans, ils ont construits un véritable dialogue.

Ouissam, Hector, Marlène, Louna et Rita, par les liens très forts qui les unissent, nous ont montré que le dialogue et la vie entre chrétiens et musulmans était possible et représentait l'avenir du Liban.
Nous avons eu la chance de rencontrer un groupe de jeunes composés de chrétiens et de musulmans qui se rencontrent depuis maintenant 4 ans. Ils ont pu vivre concrètement le dialogue et construire peu à peu une unité et une véritable communion.

Louna est musulmane, et vient du sud Liban :

" Je n'ai pas été directement affectée par la guerre, car je vivais au Koweit, mais à mon retour au Liban, j'ai été marquée de voir que chaque confession vivait dans des zones géographiques séparée. J'ai alors décidé de participer à un séminaire de dialogue proposé par l'Institut d'Etudes Islamo Chrétien. A travers ce dialogue, j'ai pris conscience que chaque libanais avait les mêmes soucis, et que nous devions nous rassembler pour reconstruire notre pays et travailler pour le respect mutuel en tant que personnes puis en tant que libanais. Mais ce dialogue est un véritable défi, certains milieux chrétiens et musulmans refusent cette ouverture. "

Marlène est chrétienne, mariée avec une petite fille qu'elle a appelé Louna, du nom de son amie musulmane :

" Je me suis réfugié à Beyrouth Est au début de la guerre, et notre maison, à Beyrouth Ouest a été pillée par des musulmans. Cet événement ajouté à la désinformation médiatique m'a poussé à rendre les musulmans responsables de tous nos malheurs. Peu à peu, grâce au dialogue que nous avons établit entre nous j'ai pu passer du refus total de l'autre à une acceptation progressive. "

Rita est chrétienne, durant la guerre, elle a été déplacée d'une région " mixte " où elle habitait, vers une région chrétienne :

" Je vivais un refus total de l'autre, un fanatisme anti-musulman. Je faisais une confusion totale entre la politique, ma religion et ma foi. Pour moi, le choc a été de voir les chrétiens s'affronter durant les dernières années de la guerre. Je me suis alors demandé qu'est-ce que c'est qu'être chrétien ? J'ai alors ressenti le désir de mieux connaître la véritable foi chrétienne. Puis j'ai commencé à travailler dans une région mixte, pour le retour des déplacés, mais mes relations professionnelles avec les musulmans restaient très fragiles, empreintes de préjugés et de généralisations. C'est dans le cadre du séminaire islamo chrétien que j'ai eu le désir de parler des choses concrètes de notre vie quotidienne, sans aborder de thèmes dogmatiques qui nous divisent. Je ne comprenais pas le refus des chrétiens par les musulmans, car pour moi, le christianisme propose une base d'amour acceptable par tous les hommes, et par ce refus, les musulmans m'apparaissaient comme fanatiques. Alors le refus des musulmans par les chrétiens me semblait être une réaction normale face à ceux qui ne nous acceptaient pas.
Grâce à nos rencontres régulières, j'ai peu à peu pris conscience que j'avais parfois plus de point commun avec certains musulmans qu'avec d'autres chrétiens. Je me suis rendu compte que les musulmans me refusaient car ils rejettent l'image négative des chrétiens pendant la guerre. Nous avons eu une démarche visant à sortir des préjugés, de la généralisation et des peurs de chacun d'entre nous, fruits de la guerre et des médias. Peu à peu j'ai découvert la paix intérieure, et j'ai pu regarder l'autre en tant qu'être, distinct de sa communauté d'appartenance. On ne peux pas vivre sa foi en dehors de l'autre, je ne peux plus dire " je " sans dire " tu ". "

Il y a aussi Ouissam, qui est musulman chiite et vient de devenir Imam, et Hector, le mari de Marlène, qui est chrétien. Ils se rencontrent depuis 3 ans et peu à peu ont réussi à créer des liens d'amitiés extrêmement forts, et un groupe de dialogue et de partage d'une transparence inouïe quand on pense que tout les sépare. Ils représentent une véritable espérance pour le Liban, en montrant une voie, en montrant que ce dialogue est possible, qu'ils l'ont vécu. Mais cette expérience est le fruit d'une longue découverte mutuelle et d'une ouverture d'esprit extraordinaire de la part de chacun d'entre eux.




La tuile de la semaine


Le Coca-cola nuit gravement à la santé

Nos amis du Liban nous ont choyé d'une façon touchante jusqu'à prendre soin de notre ordinateur portable. Or comme vous le savez tous, notre portable, c'est l'outil central du hopetour. A ce titre, il a droit à tous les égards. Maria, jeune libanaise élancée, va même jusqu'à le cajoler en lui offrant quelques centilitres de Coca-Cola. Trop sympa, sauf que la " bécane " n'apprécie pas et digère difficilement son apéritif. Peut-être manquait-il une petite goutte de whisky, comme l'a suggéré Loïc. En guise de petits rôts, nous avons eu le droit à un dysfonctionnement des fonctions de l'écriture : "brouzzbhurp!". Loïc et Christian se précipitent pour réanimer leur protégé : Loïc épongeant entre les touches et Christian cherchant à le réanimer à l'aide d'un sèche cheveux. Heureusement, notre petit Digital est vraiment résistant et recouvra ses fonctions 1 jour plus tard après un démontage complet. Ses parents sont rassurés mais tiennent cependant à rappeler à tous les parents non avertis que le Coca-Cola sans whisky est dangereux pour la santé! A cause de cette erreur de dosage, les journaux auraient pu s'arrêter ici et bien sûr vous laisser sur votre soif.




Les photos de la semaine








La croix et le croissant, symboles d'un Liban pluri-confessionel fragile, mais d'une richesse extraordinaire.





N'oubliez pas l' album photo...

Coordonnées des personnes rencontrées



Liste