Coup de coeur Portraits Après Cindy, voici Linda! La photo de la semaine
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C'est en 1877 que la Roumanie déclare son indépendance et échappe au contrôle turc. Les deux guerres mondiales virent le pays s'agrandir ou se séparer de certains territoires. En 1947, l'occupation soviétique obligea le roi Michel à abdiquer, et une république fut déclarée. Dans les années 80, sous la dictature de Ceaucescu, le pays connut de grosses pénuries de produits essentiels. Des insurrections éclatèrent en 1989, un coup d'état eu lieu et Ceaucescu fut exécuté. Le nouveau gouvernement qui suivit, constitué principalement d'anciens communistes, fit preuve de son incapacité et fut remplacé lors des élections de 1996 par un gouvernement de coalition.
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Partout dans les rues de petites échoppes proposent des journaux, des livres, des victuailles ... |
Selon nos habitudes, lorsque nous sommes dépourvus de contacts et en terre totalement inconnue, nous nous rendons à l'ambassade de France. C'est un moyen de dénicher des initiatives intéressantes et de présenter notre projet. Mais là, la situation est un peu particulière : nous arrivons à Bucarest le jour même où les mineurs sont aux portes de la ville, prêts à y semer la terreur! Notre interlocutrice reste perplexe et se demande bien ce que nous faisons ici, alors que les expatriés font leurs provisions et s'attendent à des affrontements sanglants. Heureusement, l'après-midi même, Olivier, un coopérant à l'ambassade nous accueille chez lui. Ouf, nous ne sommes plus des SDF ! A peine le temps de poser nos sacs, et, grâce à lui, nous voilà embarqués dans une soirée franco-roumaines : nous y faisons plusieurs rencontres, dont des jeunes français venus en Roumanie créer leur entreprise ou encore la rédactrice en chef de " ELLE Roumanie ", qui demande même à nous interviewer (voir article ci-dessous), etc.… Une chance car nous cherchons justement à découvrir le pays à travers la vision des jeunes, les initiatives qu'ils prennent et leur implication dans la renaissance de la Roumanie.
Le lendemain, nous rencontrons un français présent à Bucarest depuis 7 ans. Alexis Gressier nous explique la situation du pays et son histoire. Selon lui, le sort de la Roumanie passe par quelques réformes vitales : privatiser les grandes entreprises pour les rendre productives, assainir et réglementer l'économie. L'état, encore trop présent, doit petit à petit s'effacer pour ne plus régler la vie des roumains. En somme, il faut du temps et l'aide des états étrangers pour que les roumains réapprennent le sens de l'initiative et se responsabilisent. Un jeune architecte roumain, ami de deux coopérants croisés la veille, partage cet avis. Entrepreneur optimiste, il a crée son cabinet. Et même s'il doit aujourd'hui cumuler deux à trois métiers pour vivre, il pense qu'il ne faut pas aller plus vite que la musique. Ce n'est pas en quelques années que tout va changer, surtout lorsque les habitants doivent tout apprendre des exigences de l'économie libérale! En revanche, Simona, une jeune roumaine également présente, a une opinion plus réservée et préférerait quitter la Roumanie pour s'installer ailleurs (voir article ci-dessous).
Nous sommes en Roumanie depuis trois jours et nous avons envie d'en connaître plus. Les avis divergent tant sur ce pays…C'est le signe d'une certaine richesse. Intrigués de voir des jeunes français venus monter leur entreprise à Bucarest, nous contactons Nicolas Ducloux, un dynamique entrepreneur. Arrivé 4 ans plus tôt dans le cadre d'un projet (distribuer de la presse francophone), il a finalement fondé sa boîte. Nous découvrons à travers le récit de son aventure qu'il existe d'innombrables opportunités dans ce pays pour qui veut bien retrousser ses manches (voir article ci-dessous) ! Le soir, gonflés par son histoire, nous retroussons donc nos manches et allons chez Nicolas nous mettre au travail. Le but est de découvrir un autre visage du pays, à travers une dégustation de vin. Après une nuit de travail acharnée pour nos papilles, nous délibérons. A l'unanimité, ceux de Roumanie valent le détour.
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Le Bucarest moderne se mèle aux batiments anciens. |
Dans l'une de ces petites églises, nous rencontrons le père Justin, un prêtre orthodoxe. Nous parlons avec lui du poids de la religion en Roumanie. L'église orthodoxe est très respectée, elle a même servi d'intermédiaire dans les négociations entre le gouvernement et les mineurs. Selon lui, cette marche était inique et n'a fait que rendre les jeunes plus pessimistes. Beaucoup repensaient aux spectres de 1990, lorsque le gouvernement appela les mineurs pour " nettoyer " la manifestation des étudiants et des intellectuels… Nous lui demandons enfin s'il connaît des associations que nous serions susceptibles de rencontrer. Sans hésiter, il nous confie à Claudio, un jeune éducateur social de 23 ans. Au volant de sa Trabant, il nous amène au centre Saint Dimitri. Financé par Caritas, ce centre accueille les enfants des rues pour leur venir en aide. Ana, une éducatrice, nous en apprend un peu plus : " Ces enfants n'ont pas de problèmes financiers, certains font même le tour des associations pour recevoir des cadeaux puis les revendent. Ils ont surtout besoin de quelqu'un à qui se confier et de chaleur humaine… ". L'homme ne vit pas que de pain et d'eau fraîche…Un discours entendu maintes fois, quelque soit le pays ou la culture! Quelques jours plus tard, en rencontrant l'association Parada (voir article ci-dessous), nous serons confrontés directement à la vie de ces enfants.
Depuis le début du séjour, nous sommes assez surpris de voir que des roumains ont honte de leur pays. Beaucoup nous demandent ce que nous venons faire ici. Et les médias occidentaux ne parlant de la Roumanie qu'à travers des reportages larmoyants sur les enfants des rues ou sensationnels sur la marche des mineurs, il subsiste une image erronée de la Roumanie si on n'apprend pas à l'aimer. La situation actuelle est complexe et bien des roumains veulent quitter leur pays. Le rêve entretenu par la révolte de 1989 (plus que révolution, car les apparatchiks du parti sont encore en place dans les ministères…) a été court. Il était cependant illusoire de croire à un changement rapide. Si les Roumains sont déçus et tristes, c'est qu'auparavant, certains avaient connu un pays prospère, cultivé et qu'ils se demandent bien si un jour la Roumanie retrouvera ce niveau de vie. Du temps, voilà ce qu'il faut pour que les générations sacrifiées par le communisme laissent la place aux nouvelles, plus capables de raviver le pays. Parmi cette nouvelle génération, nous rencontrons Irina, une fille qui nous a beaucoup touché par son engagement dans la vie publique et par sa volonté de participer à un avenir meilleur pour la Roumanie (voir article ci-dessous) !
Le lendemain, nous déjeunons avec la communauté Saint-Jean pour répondre à l'invitation du frère Siméon. C'est l'occasion de raconter notre voyage et de réaliser que la France n'est pas si loin. Ce n'est pas Loïc et Nicolas qui se plaindront de cette proximité géographique. L'après-midi même, sur France 2, ils peuvent suivre la finale de la coupe d'Europe de Rugby…On ne se refait pas (Il y aura aussi l'indispensable Stade 2).
Le soir, pour oublier la cuisante défaite de l'après-midi, nous allons dîner en compagnie de Vincent et Benjamin, coopérants pour France Télécom, Nicolas Ducloux et Miahela (rédactrice en chef chez " ELLE ") dans l'un des vieux restaurants de Bucarest. Décors boisés et finement sculptés, avec musiques slaves au programme, mais des serveurs plus attirés par la télévision assourdissante que par les clients. L'occasion de découvrir qu'en Roumanie, la notion de client n'est pas encore très développée mais aussi que la télé est REINE, et que la sous-culture américaine, grâce à elle, fait une percée non négligeable…Aie Aie Aie ! Après un début de soirée arrosé à la Palinka (l'alcool local), nous nous immisçons dans le Bucarest by night, direction le Karma, la boîte branchée de la ville. Et là, c'est la surprise totale : interdiction d'entrer car le port de patogaz (=basket dans la tête vide des videurs), même neuves, est interdit. Leur message est clair : avec ces chaussures là, vous n'avez qu'à aller dans une boîte pour gitans… En revanche, Christian avec des chaussures trouées, est admis !
Nous profitons de notre long séjour à Bucarest pour connaître l'avis des expatriés sur l'avenir de la Roumanie. Chez Gras-Savoye, nous avons rendez-vous avec Monsieur Destriau. Fraîchement débarqué dans le pays, sa mission ici est un petit challenge. Car dans un pays sortant du communisme, la notion d'assurance n'est pas présente dans les esprits. Auparavant, l'état se chargeait de tout à travers deux compagnies nationales. Si les risques de base sont garantis, d'autres, comme les dégâts des eaux ne le sont pas… Il nous confie sa première impression : " Le niveau culturel est élevé (beaucoup de roumains sont polyglottes), en revanche ils sont très en retard au niveau du commerce ".
Le soir même, nous répondons à une invitation de monsieur et madame Girault. Nous retrouvons avec plaisir l'ambiance des familles nombreuses. Expatrié chez Lafarge, monsieur Girault nous parle de sa difficulté à trouver des commerciaux : " Parmi les nombreux entretiens que j'ai fait passer, aucun ne me satisfait vraiment. Quant aux ingénieurs, j'ai l'impression que n'importe quelle formation technique reçoit ce titre. Nous allons avoir un gros travail de formation, quitte à en envoyer en France ". Il ajoute : " La corruption gangrène le pays, et à tous les niveaux. Mais hors de question de rentrer dans cet engrenage infernal. Je dois donc sans cesse rabâcher à mes commerciaux que le pot-de-vin est une pratique illégale, même s'ils ont du mal à le concevoir. "
La Roumanie est connue comme le pays le plus corrompu d'Europe de l'Est. Dans l'administration, le fléau est omniprésent. Ivan de Pontevès, responsable local de Ticket Restaurant a créé de toute pièce la filiale d'Accor en Roumanie : " La plus grosse difficulté a été de faire passer des lois pour légaliser le principe du ticket-restaurant. Car plusieurs ministères sont concernés : celui du travail, de la justice, des finances…Il faut avoir de la patience pour régler ces questions administratives et préparer des arguments irréfutables pour convaincre vos interlocuteurs. Et surtout, il ne faut jamais tomber dans le jeu des pot-de-vin, car un jour ou l'autre, cela vous retombe dessus ".
La transformation des mentalités est l'un des gros enjeux de la Roumanie. Les entreprises françaises, en s'implantant ici, profitent d'un marché naissant et d'une main d'œuvre peu chère. En retour, elles participent activement à former les futurs décideurs et à tourner les roumains vers l'économie de marché. La Roumanie a besoin des capitaux étrangers, mais, proie facile pour les pays occidentaux, elle a besoin " d'investissements intelligents ", pour reprendre l'expression de Rodica Cazangiu (voir article ci-dessous). Le communisme a détruit la société en voulant l'uniformiser. Aujourd'hui, ce qui frappe, c'est le manque d'initiatives et de projets. Par exemple, il existe très peu d'associations de citoyens. L'état a été si paternel que sans sa présence à tous les niveaux, beaucoup de roumains sont perdus. Cependant, plusieurs arguments font pencher la balance en faveur d'un avenir meilleur : la proximité de l'Europe et le bon niveau d'éducation. Bruxelles considère la Roumanie comme un futur membre de l'union.
Nous profitons de nos deux dernières soirées pour approfondir notre connaissance de Bucarest by night à la suite de Vincent et Romain, deux coopérants pour France Telecom, qui nous ont accueillis pendant une semaine. Certains roumains avouent sortir juste pour oublier le quotidien et se créer un monde artificiel l'instant d'une soirée. Nous, nous n'oublierons pas les roumaines, car une chose est sûre, elles n'étaient pas artificielles!
Après deux semaines à Bucarest, nous partons découvrir la province, beaucoup plus charmante que la capitale aux dires de chaque personne rencontrée. Pourvu que cela nous permette de mieux cerner ce pays et de faire des rencontres enrichissantes…
Cependant, pour circuler, une idée nous trotte dans la tête depuis longtemps : revenir en France en Trabant (voir article ci-dessous)! A la recherche de la précieuse voiture-mobylette, nous flânons dans un marché à la périphérie de Bucarest. Les puces locales sont riches en gadgets aussi inutiles que nombreux. Mais parmi les voitures, pas de Trabant vraiment attirante…
Qu'importe, nous finirons par trouver.
Après quelques jours à Bucarest, nous entendons parler de la Fondation Parada. Fondée à l'initiative de Miloud, un clown français, cette association vient en aide aux enfants de la rue par l'intermédiaire, entre autre, des métiers du cirque.
Nous prenons contact avec Olivier, un français coopérant pour Parada dans le cadre de son service national. Il est en Roumanie depuis 10 mois et parle très bien le roumain. Il nous donne rendez vous près de la gare du nord, où, pendant l'hiver, ils ont monté une tente d'accueil pour les enfants de la rue.
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Des enfants de la rue s'entrainent à jongler devant la tente montée pour l'hiver par la fondation Parada. |
Olivier veut nous montrer dans quelles conditions vivent les jeunes. Nous partons avec lui dans les canaux. Ce sont des sortes de souterrains qui quadrillent la ville et abritent les canalisations d'eau chaude. Nous restons quelques instants à discuter avec quatre adolescents dans un passage étroit ou règne une chaleur et une odeur suffocantes. Ils passent leur journée à mendier et à sniffer dans un sac de la peinture hautement toxique. En pleine matinée, certains sont déjà complètement défoncés.
Ils n'ont pas trop de besoins matériels, car s'ils le veulent ils vont manger auprès de toutes les associations qui organisent des repas et ils revendent même parfois les vêtements qu'on leur donne. Par contre, ils n'ont pas de projets, pas d'avenir.
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Olivier travaille pour l'association Parada, et organise des spectacles dans le métro. |
Deux après midi ne nous suffirons pas à découvrir toutes les actions de Parada. Par contre, nous sommes touchés par le courage, la volonté et l'optimisme d'Olivier et Gaby, et leur tirons notre coup de chapeau ! Quand nous demandons à Olivier ce qui lui manque le plus, il nous répond sans hésiter : " Ici, je n'ai besoin de rien ! "
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Nicolas Ducloux avec l'un de ses amis a monté une entreprise d'importation de presse étrangère. |
De retour en France, présentant leur rapport d'étude sur la possibilité de distribuer la presse étrangère en Roumanie, la réponse de Hachette Distribution Service est claire : " Quand partez vous ? ". Le temps de finir leurs études, de se former un peu au milieu de la presse et de faire leurs bagages, les voici partis pour Bucarest afin de monter une entreprise de distribution de presse. Deux actionnaires les ont suivis dans cette aventure : Hachette Distribution Service, et un éditeur allemand. Les début sont laborieux, mais Nicolas nous précise qu'aujourd'hui, après 3 années d'exercice, la société emploie 40 personnes et est tout à fait rentable. " Nous avons commencé avec 75 titres, nous en sommes à 350 aujourd'hui et nous visons 1200 titres d'ici 4 ans. " Ils ont du organiser leur réseau, mettre en place un logiciel de distribution, faire face à la bureaucratie corrompue et à l'instabilité des lois." Il y a pas mal de difficultés, mais en Roumanie il y a toujours une solution ! "
En, quelques années, ces deux jeunes français ont prouvé qu'il était possible de démarrer une activité rapidement prospère. La Roumanie est en effet pleine de promesses pour ceux qui ont le courage et la volonté de s'y lancer. " Ici, tout est à faire, et ça bouge vite. "
Lors d'une soirée franco-roumaine, nous rencontrons Mihaela , rédactrice en chef de ELLE Roumanie, le magasine féminin le plus sélect du pays. " Canon, nous dit-elle, il faut absolument qu'on fasse un article sur 3 mecs qui font le tour du monde ! "
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Nicolas en pleine scéance de maquillage avant les photos pour ELLE. Remarquez comme il aime ça! |
Maîtresses à bord : dans bien des pays où l'homme reste le chef incontestable dans la vie active, il en est tout autre chose à la maison. Nous pensons au visage terrorisé de ce mari Birman fuyant devant sa femme armée d'un bâton, ou des japonaises décrivant leur mari retraité comme une " vieille feuille morte mouillée " dont on n'arrive pas à se débarrasser.
Fiables et Honnêtes : Combien de fois, des femmes salvatrices sont venues nous glisser à l'oreille les vrais prix, avant de conclure un achat. Nous rendons hommages aussi à toutes celles qui nous ont guidées par pur altruisme. De même, les banques de micro-crédit ont bien compris aussi que les femmes étaient plus fiables que les hommes, à la Grameen au Bangladesh, 94% des clients sont des femmes.
Organisées : Intrinsèquement, les femmes raisonnent à long terme. Peut-être parce qu'elles pensent à l'avenir de leurs enfants. Au Burkina Fasso, nous les avons vu s'organiser pour valoriser un moulin à grain dans leur village. Les unes géraient la récolte, les autres le meulage, les dernières la distribution.
Dévouées : Leurs maris et leurs enfants sont souvent leur première préoccupation. Leur intérêt, bien que coquettes, passe souvent après. Nous avons été touché par exemple par la femme d'un indien qui lui a permis de quitter son métier pour s'occuper des enfants exploités.
Charmeuses et Charmantes : Combien de fois avons nous élu domicile chez une restauratrice ou hôtelière, touchés par son charme et sa gentillesse ! A Hanoi, par exemple, May nous a souvent vus dans son restaurant, elle nous a aussi bien fait rire !
Ah, les femmes ! ! !
Retrouvez-nous donc dans le numéro d'avril de ELLE Roumanie ! !
Simona
Pour cette étudiante en troisième année de psychologie, il n'y a pas d'avenir en Roumanie. Elle veut partir faire sa vie ailleurs.
" La psychologie n'est pas un métier d'avenir si je veux gagner de l'argent. Les jeunes ne peuvent réaliser leurs aspirations dans les études car certains métiers ne leur permettent pas de gagner leur pain. Après la révolution, nous avons vu les Roumains copier les attitudes des séries américaines. Nous n'avons pas d'identité typiquement Roumaine ici. Depuis que je suis allée en Allemagne, je ne pense qu'à une chose, c'est quitter mon pays. Ici, les gens ne disent pas bonjour. Il n'y a pas d'esprit commun, chacun travaille pour lui, c'est l'individualisme. Aussi, nous n'avons jamais appris à penser par nous même. Un jour, j'ai voulu commenter par moi même un poème d'Eminescu, et le professeur m'a dit : " Essaye, mais bon, je sais que tu ne peux pas faire grand chose ". Par contre, j'ai eu une professeur particulière qui m'a appris à penser par moi même, elle a du quitter l'école en 1987 car elle pensait différemment de ses collègues.
Ceux qui veulent faire quelque chose ne le peuvent pas parce que ça ne paye pas. Il y a par exemple des ingénieurs qui sont chauffeurs de taxis car ils gagnent plus d'argent. "
Irina
Irina étudie dans le secteur du commerce international et sa vision est plus optimiste. Elle voit à long terme et son année passée aux Etats Unis lui donne du recul. Elle veut rester en Roumanie, car elle a ici ses racines.
" En Roumanie, il y a, pour schématiser, trois types de personnes :
1) Dans les villes, le communisme a marqué les esprits mais les gens sont cultivés, ils s'en sortiront.
2) Dans les campagnes, les gens ont été moins influencés par le communisme. Ils ont juste perdu leur motivation.
3) Le plus délicat, c'est pour ceux qui vivent dans les " villes usine ". Un grand nombre d'usines ne sont plus rentables et le gouvernement va devoir privatiser ou licencier. Il n'y a plus d'issues, les gens sont désespérés par le chômage et deviennent dangereux. On l'a vu avec la dernière minériade (marche des mineurs sur Bucarest).
Les problèmes de la Roumanie vont se régler au fur et à mesure que la génération communiste (marquée par le communisme) va se renouveler. Il faudra attendre 30 ans sans doute. Quand j'étais aux Etats Unis, j'étais très heureuse, mais mes traditions me manquaient. Avec ce recul, j'ai compris ce à quoi j'appartenais. Je veux rester en Roumanie. Je me suis engagée dans la politique. Avec 7 autres étudiants, nous tenons un cahier de doléance que nous présentons à notre parti politique, celui qui est actuellement au pouvoir depuis 1996. Je veux m'impliquer pour comprendre. Ici on désire beaucoup de choses qu'on ne peut avoir. Ma vie aux USA m'a motivée car je pense qu'on a aussi des ressources ici. Bien que les Roumains aient beaucoup de soucis dans la vie quotidienne, je suis sure que chacun sait ce qu'il a à faire. "
Vlad
Ce médecin de 28 ans nous explique pourquoi les jeunes sont pessimistes. Cependant, pour lui, il faut s'impliquer tout en préparant son avenir.
" Pourquoi les jeunes sont pessimistes :
En 1990, beaucoup de monde espérait que tout allait changer. C'était la première fois qu'il y avait une remise en cause du leader, alors les gens étaient trop confiants et personne n'a cherché à boycotter le parti qui était lui aussi communiste. Les jeunes qualifiés étaient presque les seuls à s'en rendre compte. C'est pourquoi ils sont allés manifester après les élections de 90. Manipulés par le gouvernement, les mineurs sont venus leur taper dessus. Depuis, les jeunes sont dégoûtés et certains sont partis, alors que c'est eux qui pouvaient changer les choses. La fuite des cerveaux est réelle : à Bucarest par exemple, il y a 200 médecins qui partent aux Etats Unis chaque année sur 2000 diplômés.
Les roumains ne connaissent l'occident que par la télévision, or ils ne savent pas filtrer l'information, prendre ce qui est bon et laisser ce qui est mauvais.
Pourquoi notre pays a plus de mal à se relever que la Pologne ou la Hongrie ? Le régime Ceaucescu a été le plus dur.
Je pense partir aux Etats Unis, mais sans doute pour revenir après. Aujourd'hui, les places intéressantes en Roumanie sont distribuées par relation dans le gouvernement ou par corruption. "
Rodica Cazangiu
Cette informaticienne d'une quarantaine d'années, appartient a la génération touchée de plein fouet par le moule communiste. Il lui a fallu se battre pour être aujourd'hui la directrice des ventes chez Mobile Rom (France Télécom). Pour elle, il faut investir en Roumanie.
" Jusqu'en 1989, je travaillais dans une usine d'ordinateur d'état. Le pays était fermé, il était difficile d'obtenir des informations, c'était la médiocrité communiste. Mais j'étais trop curieuse pour que la propagande communiste me touche, je lisais des livres. Quand les importations de PC ont commencé, alors j'ai démissionné, j'ai appris l'espagnol et j'ai postulé auprès d'une compagnie Romano-Espagnole. Puis, comme les français ont cru dans le marche Roumain en investissant massivement, j'ai rejoint France Télécom.
Maintenant, je travaille beaucoup plus qu'avant, ce ne sont plus les 8 heures par jour. Il est vrai que j'ai beaucoup moins de temps maintenant pour faire du sport par exemple, mais par contre, j'ai des responsabilités et je suis spirituellement libre.
La Roumanie gagne à être connue. Ca m'énerve de voir sans arrêts des reportages pessimistes sur les enfants de la rue par exemple. La Roumanie a besoin d'investisseurs qui voient à long terme, mais des investisseurs de bonne qualité ! "
Monsieur Paleologu
Pour ce sénateur octogénaire qui a connu la période pré-communiste, il faut réagir et attendre. C'est pourquoi, alors qu'il était ambassadeur en France, il s'est déclaré ambassadeur des étudiants manifestant contre le gouvernement de 1990. Il a confiance en la jeunesse.
" On ne pouvait pas s'attendre à ce que tout change après la révolution. Ils ont pris les mêmes hommes politiques pour recommencer. Cependant, c'est toujours mieux que la dictature, mais les gens de mon âge ont connu des temps meilleurs, alors, je suis d'un optimisme modéré. La Roumanie ne sera plus influencée par l'Europe comme avant la guerre, mais par les Américains.
En effet, les jeunes veulent partir, mais ils ne voient pas que ce n'est pas si facile à l'étranger. Beaucoup vont le regretter. Il faut patienter, ils ont le temps d'attendre. La jeunesse est avide de connaissances et apprend intelligemment. Par contre, les gens doués ne sont pas ambitieux en politique, alors, on se retrouve avec une majorité d'hommes politiques sans intérêt et intéressés. Je trouve plutôt positif que les roumains soient parfois pessimistes, ça prouve qu'ils ne sont pas candides, c'est un bon départ.
Je pense que la classe politique est complice pour maintenir un statu-quo et une situation malheureuse (certains héritiers du communisme habitent par exemple des maisons confisquées et n'ont pas intérêt a privatiser ou a rendre leurs biens aux propriétaires). Tout cela répugne les jeunes. Avant la guerre, on faisait de la politique pour défendre des idées et ça coûtait de l'argent. Maintenant, les gens font de la politique pour s'enrichir. La politique n'est pas fonctionnelle, il n'y a pas de conscience et de tradition politique, pas de leader, de cadres efficaces. Depuis 6 ans que je suis au parlement, il n'y a pas eu de nouvelle loi importante qui ait été discutée.
Je pense cependant qu'il y a beaucoup de jeunes qui sont capables de percevoir avec leur cœur, avec clairvoyance et intelligence. Il faut attendre que l'ancienne génération disparaisse du paysage politique. "
Avide de challenge en toute sorte, nous voulons réitérer la même aventure qu'avec Cindy. Cette fois, c'est avec une Trabant que nous rentrerons de Bucarest jusqu'à Paris. La voiture mythique des pays de l'Est s'est longtemps laissée désirer. Elle nous a donné du fil à retordre, mais c'était sans compter sur notre entêtement et notre amour pour elle. Ca y est : nous la tenons, nous ne la lâcherons plus, même si cela signifie le début des ennuis !
Nous vous présentons donc Linda, celle qui va nous guider jusqu'en France. Voici son CV :
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Devant le palais du peuple, notre Linda s'apprète à quitter Bucarest pour 2500 km à travers l'Europe, jusqu'à Paris. |
Age : 20 ans.
Mensurations : chiffres confidentiels, mais taille fine et légère, torse bombé. Style : pot de yaourt.
Moteur : type mobylette, à deux temps et particulièrement bruyant. A démarrer en poussant !
Carrosserie : fait dans un mélange de pâte à papier et de carton.
EXPERIENCES PROFESSIONNELLES :
Kilomètres : elle en a derrière elle. Environ 150 000 !
Vitesse : Timide, ne dépasse pas le 80 kilomètres/heure, sinon, risque de tête à queue.
Défaut : Interdite d'autoroute. Pas de chauffage. Porte avant droite condamnée…Manque de place pour dresser la liste.
Qualité : Charme irrésistible et a le goût du défit.
Signes particuliers : Tous les roumains rigolent en la voyant, mais il existe une réelle solidarité entre propriétaires : à chaque fois que nous croisons une autre Trabant, nous avons droit à des appels de phare.
Chances d'arriver à Paris : voyage encore jamais fait à notre connaissance. Estimation : 1/10.
Voilà, nous espérons que Linda saura se montrer docile. Elle attend aussi votre soutien !